La métallurgie antique

L’extraction du fer est très ancienne à Lustin comme en témoignent certains écrits de géologues.

La limonite, très riche à l’affleurement et très aisément exploitable, fut à l’origine de l’essor de la métallurgie protohistorique et romaine dans nos régions. Dans les crassiers métallurgiques antiques, entre Frappecul et le château de l’Hestroy, on peut observer, une série d’amas de fer hydraté épuisés probablement depuis très longtemps” (La question du minerai de fer en Belgique, Ann. Des Mines – 1913).

Une suite de très vieilles haldes s’échelonnent depuis le hameau de Frappecul, tout au long du contact, jusqu’au chêne aux kakettes à Lustin. Étant donné leur grand nombre et le peu de temps où du fer a été extrait dans le bois de Nismes au XIXe siècle, il est vraisemblable de supposer que la majorité d’entre-elles seraient antérieures à cette époque.

Haldes: Endroits d’extraction.

Au Bois de Nismes on a mentionné la présence d’une petite forge de l’époque romaine. Un lieu-dit “Les Minières”, en lisière du bois de Nismes, est mentionné au plan cadastral de Lustin (1810). On y remarque la présence d’une petite nappe de scories; un tesson d’époque romaine y fut ramassé.

Un autre endroit d’exploitation antique à Lustin fut le plateau de Covis. La station néolithique de Covis est connue de longue date dans la littérature archéologique. Lors de prospections de surface, outre une quantité importante de silex, on a repéré les restes d’un établissement romain. Une petite nappe de scories est associée aux débris provenant de la ruine de l’établissement.

Passages repris de “La pierre à Lustin, des origines à nos jours” par Dominique Daoust, 1994.
Crasier: Amoncellement de déchets, scories et résidus d’une activité métallurgique.
Scories:
 

Les bas-fourneaux

En octobre 1870, des ouvriers, sous la surveillance de Monsieur SOREIL, conducteur des Ponts et Chaussées, sont occupés à la construction de l’écluse de Rivière. Les nécessités de ces travaux ont fait acquérir par l’Etat un terrain de la rive droite (Lustin) proche du massif rocheux de Chauvaux et un peu en aval. Ayant défoncé le sol à une profondeur de 0,70 m., les terrassiers mettent à jour deux énormes cavités en forme de cônes tronqués renversés et bas elliptiques. Les matières découvertes ne laissent aucun doute sur les services rendus par ces cavités : ce sont là d’anciens bas-fourneaux. Ils sont placés à 10 mètres l’un de l’autre et à 2 mètres seulement du bord de la Meuse. Les dimensions suivantes sont relevées : grand axe à l’orifice du cône, 4 m 30; petit axe, 3 m 20; profondeur, 1 m. Ces cuves sont creusées à même l’argile et ne possèdent aucun revêtement. Les parois, calcinées ont une couleur rouge brique et leur épaisseur va en diminuant de l’orifice au fond. Ce dernier est formé d’argile. Certaines parties des parois sont recouvertes de matières vitrifiées de couleur bleu-verdâtre. Un canal à section quadrangulaire de 0,15 m a 0,20 m de côté est creusé dans l’argile même en direction du grand axe et revêtu de pierres plates. Un fragment de 2 kgs de matières extraites du fond de ces bas-fourneaux a été analysé et a révélé la composition chimique suivante :

fer métallique                          93,48%
carbone                                   0,37%
matières vitrifiables                    4,94%
soufre,phosphore,manganèse       1,21%

La faible proportion de carbone relevée nous indique que c’est du fer et non de la fonte. Et un fer qui n’a plus son pareil dans les produits de l’industrie sidérurgique actuelle.

Shéma du bas-fournaux retrouvé au bord de la Meuse.

Comment travaillaient ces anciens forgerons? Le creuset bien nettoyé, ils étendaient sur le fond un lit de cendres, puis y entassaient du charbon ou du bois cru auquel ils mettaient le feu. Le minerai était ensuite placé par portions sur ce brasier ardent. Le combustible était ajouté sans arrêt et amoncelé sous forme de meule au-dessus de l’orifice de la cuve. Cette meule était alors recouverte d’argile, de terre ou de cendres afin de concentrer la chaleur. Une ouverture laissée au sommet permettait d’entretenir un courant d’air par le canal décrit ci-dessus. L’ouverture supérieure était toujours orientée dans la direction du vent dominant. Les forgerons trouvaient aisément le combustible nécessaire à ces opérations dans les forêts couvrant les deux rives du fleuve. A la fin de l’opération, ils démontaient la meule et recherchaient le culot métallique au milieu des débris de la combustion. A quelle époque le travail remonte-t-il? Il est très difficile de déterminer exactement la date de l’établissement de cette antique forgerie. On sait que dès le Xème siècle l’industrie métallurgique était très prospère en Belgique. D’intéressantes découvertes faites à Vodecée dans l’Entre-Sambre et Meuse où cette industrie se pratiquait d’une façon semblable à celle de Lustin, permettent d’estimer que ces opérations métallurgiques remontent au Illème siècle. D’anciens documents faisant mention de notre pays à propos de la production du fer se rapportent presque tous au pays de Namur. (Ce qui précède est extrait des “Annales archéologiques” et cité par Jean du BOIS dans le journal “Vers l’Avenir” du 22.09.1938).

Anciens Bas-fourneaux.

La métallurgie au 19ème siècle

Exploitation de limonite au bois de Nismes

Le 21 octobre 1841, le Conseil communal de Lustin reconnaît qu’il existe des gisements de minerai de fer dans le bois de Nismes et que, par leur mise en exploitation, il en résulterait “un grand revenu pour la commune”. Il demande l’autorisation à la Députation permanente de pouvoir faire les recherches nécessaires et de faire extraire le minerai pour le compte de la commune. L’adjudication d’exploiter est accordée à la société des charbonnages et hauts fourneaux d’Ougrée, près de Liège.

En 1846, huit sièges d’exploitation sont en activité et deux étages sont ouverts. La production de minerai brut est de 2603 tonnes. En séance du 24 juin 1849, le Conseil communal de Lustin constate que la Société de Ougrée a abandonné les travaux dans le bois et décident dès lors la résiliation du contrat. Cette exploitation, fut courte en raison du filon déjà fortement épuisé par des travaux très anciens.

(La pierre à Lustin, des origines à nos jours par Dominique Daoust, 1994)
Limonite: Minerais de fer brun

Exploitation d’hématite à Tailfer

L’hématite de Tailfer fut exploitée depuis environ 1853 par les sociétés Orban et de Sclessin. Cette société occupera une vingtaine d’ouvriers. Chaque ouvrier recevra 3,50 francs du char de minerai et sera obligé de faire tous les frais d’exploitation (bois, poudre, cordes…). Les fosses d’excavation mesuraient de 1m à 9m. Les minerais étaient entreposés pour leur chargement sur le rivage de Tailfer; la société de Sclessin payait à la commune pour la location du rivage un rendage annuel de 100 frs. La production pour les années 1853, 1855 et 1857 a été respectivement de 7233 tonnes, 2880 tonnes et 4457 tonnes.

Mais cette couche qui fut assez puissante ne donnait que des minerais de médiocre qualité et peu riches. En 1857, la société de Sclessin abandonnait définitivement l’exploitation de l’hématite à Tailfer.

Mais l’exploitation s’est poursuivie par des particuliers qui se transformaient sans doute en mineurs l’hiver venu; le minerai était vendu aux maîtres de forges locaux.

(La pierre à Lustin, des origines à nos jours par Dominique Daoust, 1994)
Hématite: Minerais de fer rouge ou oligiste.

Les hauts-fourneaux

Au XIIIème siècle, il existait déjà à Tailfer une fonderie en pleine activité. Cette industrie (mise en rapport à l’époque avec la construction d’une muraille barrant l’accès à l’éperon rocheux dominant la vallée du Tailfer) se perfectionnant et s’agrandissant avait acquis vers la moitié du XVIIIème siècle une ampleur conséquente pour l’époque.
L’industrie métallurgique prit son envol avec l’arrivée de la famille Donau en 1779. Cette famille fut propriétaire d’un haut-fourneau au début de la rue des Fonds. Une activité qui dura jusqu’en 1851 avec la fermeture définitive et la conversion des bâtiments en moulin à farine.
L’activité ne s’arrêta pas pour autant puisque en retrouve des documents de 1853 et 1854 attestant que plusieurs exploitants travaillent encore à Lustin.

Plate-forme de chargement d’un haut-fourneau.

Un peu plus loin, à Frêne, on extrayait le fer à mi-hauteur des Rochers. Les carriers avaient une vue imprenable sur l’autre côté de la Meuse vers Profondeville. Cette carrière était régie par l’administration de l’Empire Napoléonien du 19ème siècle.

En 1851, la fonderie Donau disparaît presque en même temps qu’apparaît l’emploi du coke généralisé par les méthodes anglaises introduites par Cockerill et Orban en 1821.

Extraits du registre des délibérations du Conseil communal

Quoique l’exploitation du haut-fourneau ait pris fin, l’extraction de minerai de fer s’est poursuivie par divers concessionnaires. Le registre des délibérations du Conseil communal mentionne à cet égard:

Séance du 26 juin 185 ,: Plusieurs exploitants (non dénommés) ont demandé l’autorisation de déposer des minerais de fer et autres marchandises sur le rivage de Tailfer. Le Conseil demande l’autorisation de mettre en location par adjudication publique le rivage dont il s’agit, demande adressée à la Députation du Conseil provincial.

Séance du 2 août 1853 : Le Conseil évoque une circulation très active sur les chemins empierrés de la commune et signale que leur entretien nécessite des frais considérables dont la principale cause de dégradation consiste dans l’excès de charge que transportent journellement les voitures aux exploitations de minerai de fer.

Séance du 12 mars 1854 : signale qu’un bail de location du rivage de Tailfer a été conclu pour un terme de neuf années à partir du 4 mars 1854 en faveur de Monsieur Jean-Joseph RUTH, facteur de mines de la Société des Hauts-fourneaux de Sclessin.

Depuis le 25 mars 1845, la Société des charbonnages et Hauts-fourneaux d’Ougrée avait obtenu l’exploitation du minerai de fer gisant sous le bois de Nismes.

Séance du 8 janvier 1866 : “Les sieurs»DEVAUX Thirion de Huy et Louis TONNET de Statte sont autorisés à déposer du minerai de fer sur 10 ares de terre du bois communal de Biamont.”

On relève encore dans le registre précité qu’il y a toujours exploitation du minerai de fer en mars 1871 et en juillet 1872 par la Société Cockerill de Seraing.

Si l’on considère l’éloignement important à cette époque du siège des sociétés concessionnaires et les difficultes du transport par eau (les écluses n’étaient pas encore construites pas plus que le chemin de fer puisque les expropriations n’ont débuté en ce qui concerne la ligne de Namur à Givet qu’après la loi du 27 mai 1859) il faut conclure que le minerai extrait à Lustin était très apprécié des métallurgistes.
Nous pouvons, au vu des documents, conclure que l’activité métallurgique à Tailfer prit fin vers le début du 19ème siècle.

L’industrie de la pierre, du marbre et ensuite du grès remplacèrent doucement celle du fer.

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