LUSTIN 1948-1961. Récit de Daniel Wiame
LA MEULE EN FEU & UN REBOUTEUX ME SAUVE DE TRES GRAVES BRULURES AUX JAMBES :
Pendant les grandes vacances de l’été 1954, comme à notre grande habitude d’enfants des bois et des campagnes, nous jouions à toutes sortes – et parfois – de ‘’ vilains jeux ‘’.
Toujours le même petit groupe d’enfants dont les parents avaient accepté ce regroupement.
Très désordonnés, peu obéissants, toujours fourrés partout, toujours à faire de grosses bêtises.
Exemple :
Dès la fin juin, les petits fermiers de la proche région, fauchaient les parcelles réservées à
‘’ faire du foin ‘’. A grands mouvements circulaires, l’herbe se couchait en lignes parfaites.
N’étions-nous pas alors sollicités pour qu’avec des fourches et râteaux faits tout de bois, il nous fallait retourner et étendre le foin de façon à le sécher en profondeur.
Ce travail d’enfants, léger et plaisant, nous permettait ainsi de passer à table chez le fermier concerné ! Dans les fermes, la table était toujours abondamment fournie de bonnes victuailles.
Pour le foin, une fois bien sec, il fallait le monter en meules.
La meule était constituée d’une sorte de ‘’ plancher ‘’ fait de branches, et surélevé au moyen de petits piquets, de façon à garantir une bonne ventilation sous la masse de foin.
Un poteau central permettait de maintenir l’aplomb de l’ensemble. Pour tasser le foin au fur-et-à-mesure de son élévation, un adulte ‘’ préposé à la mise en place‘’ occupait le dessus.
Nous les aidants, portions – grâce aux fourches – les ‘’ bottes ‘’ de foin à bonne hauteur ; hauteur qui s’élevait petit à petit, jusqu’à atteindre la hauteur voulue et se terminer en forme bien pentue (pour que l’eau des pluies glisse sans pénétrer la masse en attente d’être utilisée).
N’avions-nous pas résolu de passer sous une de ces meules, d’y creuser un étroit puits montant, et d’ouvrir une confortable et ample cache, dans le ventre même de la meule ! Parfois, nous étions une demi-douzaine d’enfants fort bien ‘’ cachés’’ ! Si bien abrités de tout ! On s’y reposait, on mangeait de tous les butins récoltés pendant les constantes maraudes ! Les princes fourrés, les spéculoos, et autres douceurs sucrées, habilement extraits de ces belles boites métalliques abritant du chapardage, les trop maigres réserves familiales.
Mais, un jour, pour s’éclairer pleinement, il vint à un de ces gaillards, d’allumer une bougie ! Le feu immédiat dans toute la meule ! Débandade générale ; toute l’équipe est en fuite à travers prés, champs, bois …. Tout le monde se cache ! Tout le monde se faufile Tout le monde tremble au fond des caches! Il faudra certainement s’expliquer avec, à l’époque, les très durs châtiments physiques de toutes sortes à subir sans broncher, sans pleurs, sans cris ! Heureusement, il n’y aura en fin de compte pas de blessés ; mais rassemblement immédiat de tout le voisinage adulte ! Les tentatives faites pour éteindre l’incendie restent inutiles et vaines ! Tout brule jusqu’au sol ! Fort rapidement, une jeep de la gendarmerie de la brigade de Profondeville est sur place ! Les deux gabelous questionnent ! Ils ont des pistes à sonder !
Qui ? Qui ? Qui ? Les coupables viendront-ils se dénoncer ? Quoi de la frousse bleue de la raclée certaine !
En fin de recherche, il sera décidé que ce feu ‘’s’est déclaré tout seul’’ ! OUF !
Les jambes brûlées à l’eau bouillante !
Enfin, ce petit groupe jouant ‘’ à cachettes ‘’ dans notre maison ; pour en trouver rapidement une fort introuvable, je me précipitais (dans le noir) du haut des escaliers menant à la cave !
Deux grands bonds de six marches ! Au dernier, je tombais à pieds joints dans une grande bassine ovale faite de galvanisé déjà fort corrodé, et remplie d’eau bouillante et savonneuse à souhaits ! Ma mère faisait la lessive ! Hautes bottines lassées, grandes chaussettes de laine montant aux genoux ; en un instant, tout était imprégné de cette épouvantable chaleur brulante ! Je hurlais de douleur !
Fort heureusement, le voisinage alerté par mes cris et ceux de ma mère épouvantée, se précipitait en masse vers moi !
Roger Delimoy (un voisin fort puissant et musclé) me prenant dans ses bras, dévalait en courant la rue des Fonds, et se précipitait (deux cents mètres plus loin) dans l’entrée d’une toute petite maison. Située en contre-bas de la route ; très étroite, elle ne payait pas de mine ; vieillotte, sombre, humide – en fait, une masure campagnarde pour pauvres – comme il y en avait tant dans la zone des FONDS de ce village.
Un petit vieillard (dont je finirai un jour par retrouver le nom) ouvre sa petite porte de rue.
Il est très vieux, très mince, très mal habillé ! Il porte une large casquette à grande visière, une chemise fort large pour son gabarit, un pantalon de toile bleue soutenu par de larges bretelles, les pieds sont nus dans les sabots de bois.
Tout donne l’impression de la misère ; mal rasé, le visage grisâtre, presque totalement édenté ! L’usage constant du tabac ayant jauni profondément les restantes qui sont toutes brisées de moitié.
Le voir – même de loin – a toujours fait peur aux enfants et à certains adultes.
DANS LE VILLAGE ET AUX ALENTOURS, IL EST CONNU COMME TRES EXCELLENT ‘’ COUPEUR DE FEU ‘’ !
Allongé sur une petite table, je suis bien vite dépouillé de mes chaussures et chaussettes.
Rapidement, il versera sur les brûlures d’abondantes quantités d’eau (cette eau, récoltée de la fonte de neige tombée pendant une période précise de l’hiver, mise en bouteilles, et imprégnée de jus de plantes indigènes que lui seul connait) ! C’est un ‘’ secret ‘’ qu’il tient de son père qui lui, le tenait aussi de son père….. Puis, de longues incantations marmonnées à mi-voix, diverses impositions des mains, et autres actions dont j’ai perdu le souvenir !
Maintenant, il est là, assis, presque affalé sur une petite chaise à côté de moi, qui suis toujours allongé sur la table. Il est complétement vidé de toute son énergie, son mental est épuisé.
Etonnamment, je n’ai plus mal ! Je suis immobile mais, pleinement conscient !
Ma mère vient me chercher ; je marche en pantoufles pour remonter la rue.
Sur mes jambes et mes pieds, aucune trace de cloques, aucune rougeur de brûlures ! Ma peau
est parfaitement intacte, souple, blanche ; il en est de même pour l’entre des doigts des pieds.
Serait-ce cela un ‘’ miracle ‘’ ? Une intervention spirituelle inconnue ?
IL NE VOUDRA JAMAIS RIEN ! TOUT DOIT-ETRE FAIT GRATUITEMENT.
AUTREMENT, IL PERDRAIT IMMEDIATEMENT CE DON – NOUS DISAIT-IL !
Remarques :
Depuis ce temps-là, j’ai toujours eu la conviction que certaines personnes avaient reçu des dons spécifiques permettant de soulager les maux et misères des hommes dans la ligne de l’altruisme le plus certain, le plus charitable, le plus en accord avec la bonté qu’il nous est commandé d’avoir pour tous les humains.
Daniel Wiame
Souvenirs venus droit de ma mémoire (2017).