Ce fut l’événement de l’année 2013 : Francois Englert obtenait le prix Nobel de physique pour la découverte du boson. Le premier Belge à être honoré par ce prix depuis Ilya Prigogine en 1977.
«ll n’est sagesse sans folie.» Telle est la devise choisie par cet homme né le 6 novembre 1932 à Etterbeek. En 1924, sa famille, juive et pauvre, fuit l’antisémitisme qui gangrène alors la Pologne. Arrivés en Belgique, ses parents ouvrent un magasin de textile. «Je suis un immigré», souligne volontiers le physicien, comme un message face au repli identitaire souvent ressenti en Europe ces derniéres années.
Englert a survécu la Shoah. Dès le début des persécutions, en 1942, sa famille s’est cachée à Lustin. A l’age de neuf ans, Francois est séparé de son frére ainé, Marc, dix-sept ans, et du reste de sa famille. ll vit la guerre comme « neveu» d’une famille de restaurateurs Lustinois, ignorant que ses proches se cachent également dans les environs. Un an plus tard, alertée par la rumeur d’une dénonciation, sa mère vient le reprendre à minuit et l’emmène en hate. Un miracle: quatre heures plus tard, la Gestapo était là…
L’histoire ne s’arrête pas là. Fuyant Lustin, la famille « Englebert», du faux nom utilisé à l’époque, se réfugie à Annevoie, sous la protection du curé de la paroisse, l’abbé Warnon. ll convient alors que les enfants, devenus «belges», se rendent à l’école Notre-Dame de Bellevue, à Dinant. lls assistent à la messe, comme les autres, et François est même baptisé. L’objectif: se fondre au mieux dans la population locale. Afin d’échapper au travail obligatoire en Allemagne sous sa fausse identité de non-juif, son frère va jusqu’a devenir un temps (faux) séminariste.
Sources: Extrait du livre « Particules de vie » de Francoise Baré, journaliste à la RTBF, et Guy Duplat, ingénieur civil physicien, ex-rédacteur en chef du Soir, auteur de « Une vague belge » (Racine) et journaliste à La Libre Belgique.
Après quelques recherches et un contact avec François Englert, nous avons découvert que celui-ci était caché par la famille Jourdan, restaurateurs rue de la gare à Lustin.
Voici son témoignage à propos d’Achille Moreels un autre Lustinois de la rue de la gare qui l’a beaucoup aidé:
Je me souviens de l’affection qu’il m’a témoignée pendant mon séjour chez les Jourdan. Lorsque mes parents sont venus me rechercher, toute la famille (ma Mère, mon père, mon frère et moi) s’est réfugiée chez Achille. Nous y avons passé la nuit et sommes plus tard repartis à la recherche d’une nouvelle cachette (la maison d’Achille était trop petite pour nous loger longtemps) qui s’est terminée à Annevoie sous la protection de l’abbé Warnon.
Voici le témoignage de Madame Servais (Belle-fille d’Antoine Lannoy, ancien bourgmestre de Lustin): Je me souviens qu’Achille Moreels a tenu l’aubette de la gare, a travaillé au comptoir d’électricité à Namur. Ayant fait une chute, Achille s’est retrouvé handicapé, est parti à Ciney ou il est décédé mais fut inhumé à Lustin. Il n’avait pas d’enfant.
Pour information: Les Jourdan, Achille Moreels et l’abbé Warnon ont reçu le titre de « juste parmi les nations » de Yad Vashem pour leurs bravoures.
Voici un article de Denis Cluytens-Dons paru dans Remue-Méninges à propos de Camille Jourdan.
Camille JOURDAN – Chauffeur de maître devenu cabaretier et loueur d’autos, c’était un homme calme et un peu guindé. Il avait été chauffeur chez la princesse “Napoléon” comme tout le monde l’appelait ici. Il s’agit évidemment de la princesse Clémentine, fille cadette de Léopold II.
A cette époque, Camille passait, tout vêtu de gris perle, au volant de la Minerva princière, conduite extérieure. Il venait régulièrement attendre ou reconduire quelqu’un à la gare de Lustin. Prenant son rôle à la lettre, il était sérieux, figé et faisait semblant de ne voir personne, quand il était seul, il en allait tout autrement. Alors il nous saluait militairement de sa main gantée de blanc avec un bon et large sourire. La princesse Clémentine, ayant hérité d’un caractère difficile, les papotages ancilaires filtraient loin hors les murs de Ronchinne. Camille, installé rue de la Gare, disposa rapidement de 2 ou 3 belles conduites intérieures pour la location. A l’époque tout chauffeur était aussi mécanicien et l’entretien ne dû jamais lui poser problème. Sa femme et sa fille s’occupaient du café, il y eut même une pompe à essence, chose rare avant la dernière guerre. Enfin, la santé de Camille se dégradant, l’emplacement réservé aux voitures fut remplacé par une salle de restaurant.
Par la suite la maison des Jourdan où séjourna François Englert pendant la guerre 1940-45 a été transformée en résidence pour personnes âgées. Voici une photo récente.
Merci à Paul Demilie, Gilbert Cruspin, Mme Servais et Vital Taviet pour leurs collaborations à la réalisation de cet article.
Mis à jour 03_11_2916.
Je me permet une petite correction, Madame Servais est la belle fille de Antoine Lannoy dernier bourgmestre de Lustin et non son épouse.
Merci pour cette correction!