Pendant 48 heures dans le tunnel de Lustin entre Namur et Dinant.
Les spéléologues ont eu priorité sur les trains.
En permettant le passage de siphons, Spéléo.Secours a testé du nouveau matériel
de la protection civile.
De plus ne plus les spéléologues belges participent à de grandes expédintions à
l’étranger, en France, en Italie, en Grande-Bretagne, dans les pays de l’Est, en
Afrique du Nord,… On parle alors de leurs recherches, de leurs découvertes, de leur
travail. Les noms des «hommes de pointe » sont connus. La cote de la spéléologie
belge est alors en hausse.
On oublie cependant trop souvent qu’en Belgique même de nombreux spéléologues
sportifs et chercheurs travaillent à longueur d’année. Les résultats de leurs travaux
sont peu connus du grand public et cela est regrettable. Seules peut-être les
recherches de Han-sur-Lesse ont été connues dès le début des travaux.
De la spéléologie en Belgique, le public ne retient généralement que les accidents et
les sauvetages spectaculaires. Il ne s’agit là en fait qu’un côté négatif de ce sport qui
devient de plus en plus, chez nous comme dans tous les pays du monde, une activité
scientifique.
Une expédition intéressante, qui vient de se dérouler dans la vallée de la Meuse,
nous permet de mettre l’accent sur la transformation de ce sport que le grand public
croit dangereux.
Une occasion d’essayer le matériel
A l’origine, il y a une étude de Jean-Pierre Coppenole, étudiant en géologie de
l’Université de Liège, sur le massif calcaire situé à mi-chemin entre Namur et Dinant,
sous les communes de Mont-sur-Meuse (Godinne), Lustin, Maillen, etc.
On connaissait depuis longtemps une petite grotte dont l’ouverture se trouve dans
tunnel du chemin de fer entre les gares de Lustin et de Tailfer. On y a constaté
récemment qu’une partie des eaux qui arrivent dans cette grotte provient du Ry
d’Hestroy qui s’engouffre sous terre dans un chantoir bien connu de Lustin, le Trou
d’Haquin, à plusieurs kilomètres du tunnel du chemin de fer.
Une expédition fut donc envisagée pour explorer cette grotte et en étudier les
particularités.
Un important matériel était nécessaire notamment pour désamorcer et franchir des
siphons. C’était donc l’occasion pour le groupe Spéléo-Secours d’essayer le nouveau
matériel de pompage de la Protection civile et d’organiser une manoeuvre très
réaliste.
L’expédition fut mise sur pied par le Centre routier spéléo, deux équipes de
spéléologues de Namur et de Bruxelles, avec l’aide de Spéléo-Secours.
Et les trains?
Le matériel fut amené sur place le vendredi et un camp de base fut établi dans les
chantiers de la C.I.B.E. à Tailfer.
Dans la soirée, il fut amené à. l’entrée du tunnel où il fut introduit peu avant minuit
quand le dernier train de voyageurs fut passé. La nuit de vendredi au samedi avait
été choisie car c’est la nuit creuse de la semaine où il n’y a guère de trafic de
marchandises — principalement des convois de minerais venant de Lorraine — sur la
ligne Namur-Dinant, le retour étant prévu pour la nuit de dimanche à lundi, nuit où il
n’y a aucun trafic.
L’opération se déroula d’ailleurs sous la surveillance d’un inspecteur du personnel de
voie de la S.N.C.B. et avec la collaboration des fonctionnaires attachés à la gare de
Lustin. Il fut nécessaire de faire circuler pendant quarante-huit heures les trains à
simple voie et de rester en contact avec le centre de Namur pour limiter les
déplacements de l’équipe spéléologique de surface quant un convoi était signalé.
C’est la première fois en Belgique qu’une opération de ce genre était organisée et
que les spéléologues avaient priorité sur les trains. La position de l’entrée de la.
grotte la justifiait.
Tout s’est parfaitement déroulé. Les services de la S.N.C.B. se sont montrés très
compréhensifs et très satisfaits de cette coopération.
Quarante-huit heures sous terre
Quinze hommes descendirent donc dans la grotte. Ils furent pendant toute la durée
de l’expédition, c’est-à-dire quarante-huit heures, en liaison avec l’équipe de surface
forte d’une quarantaine de personnes.
Le travail sous terre comportait trois volets:
— désamorçage des siphons par pompages ;
— recherche de passages nouveaux et si possible de contournement des
siphons par les plafonds
— relevées topographiques et examen scientifique de l’ensemble.
Tout se déroula comme prévu et on peut déjà dire que cette expédition se solde par
un bilan très positif.
Les pompes : le nouveau maté-riel de la Protection civile fut testé avec succès dans
des conditions idéales. Il ne faut pas oublier qu’au Trou Maulin, à Rochefort, un
matériel dépassé et de faible puissance n’avait pas permis de dégager des
spéléologues bloqués.
Les siphons : les deux premiers furent pompés sans problème. Le troisième fut
contourné par une galerie sèche. Le quatrième fut pompé en grande partie mais les
pompes étaient aux limites de leur eficacité.
Recherche de passages nouveaux : les équipes de pointe reconnurent de nombreux
couloirs et repérèrent des diverticules dans les plafonds. Tout ne put être examiné
malheureusement.
Relevés topographiques un très gros travail a été fait. Il reste à, tracer la carte de
toute cette partie reconnue de la grotte.
Les participants de cette expédition sont très discrets sur les espoirs qu’ils ont de
découvrir de nouveaux réseaux au départ de cette grotte.
Trois siphons ont été passés et le quatrième partiellement dégagé. Au cours de ce
dernier travail, interrompu vu le danger qu’aurait constitué un franchissement dans
des conditions difficiles, il y avait quarante centimètres de « libre » au-dessus de
l’eau et de la boue liquide du fond du siphon. L’équipe de pointe a pu constater que
l’on pouvait continuer.
C’est là le grand espoir car cette expédition n’a pas permis d’augmenter la longueur
connue de la grotte. mais elle a contribué
à une meilleure connaissance du massif et à un repérage des possibilités
intéressantes de découvertes.
D’autre part, le fait que l’eau. reste plusieurs jours pour franchir les quelques
kilomètres séparant le Trou d’Haquin du tunnel de Lustin laisse supposer que tout le
massif contient encore des cavités très importantes. La coloration des eaux n’a pas
seulement permis de repérer ce détail mais aussi de constater que les eaux arrivant
dans la grotte du tunnel ne viennent pas toutes du Ry d’Hestroy.
On se trouve donc devant un massif comprenant encore de très nombreuses
possibilités de découvertes qui pourraient s’ajouter à la longue liste des gouffres de
la rive droite de la Meuse, dont les plus célèbres sont : le Trou d’Haquin, le Trou
Wéron (106 mètres de profondeur), le Trou Bernard (120 m.), le Trou de l’Église (80
m.), etc.
E.-J. LAURENT.
Extrait du journal La Dernière Heure du 06/03/1972