Ses rochers
Jadis, les lustinois se plaisaient à taquiner leurs voisins Profondevillois sur les célèbres rochers. Aux “pétès” d’en face qui leur disaient avec fierté qu’ils avaient vue sur cet ensemble rocheux, attirant les touristes sur le chemin du halage, les “djusses” de Lustin leur rétorquaient : “Vous avez peut-être la vue sur les rochers mais nous, nous les avons”.
Que dire de cette beauté qui émane de ces rochers érodés par les eaux de la mer qui autrefois recouvrait les étendues de la région.
Par suite de la contraction de l’écorce terrestre, des montagnes se dressèrent, des continents apparurent. Frène se dressa alors progressivement en même temps que les collines avoisinantes, délimitant ainsi ce qui allait devenir la Vallée de la Meuse. Les eaux sous l’action des terres, se trouvèrent resserrées en un lit plus étroit, et, de par leur masse, s’élancèrent vers l’océan, arrachant sur leur passage, les terres friables des bancs schisteux.
Frène et le mont de la Hulle formaient alors une barrière quasi infranchissable. Mais les eaux s’attaquèrent aux rocs, des fissures se pratiquèrent bientôt.
Ces fissures, de fentes qu’elles étaient devenues, s’élargirent de plus en plus et permirent aux eaux torrentielles de se précipiter en cascades bouillonnantes à travers ces brêches sans cesse grandissantes.
Hulle se sépara de Frène. Cet obstacle détruit, le fleuve abandonna son premier lit et contourna le rocher qu’il n’avait pu vaincre.
Des parties de roc, moins résistantes que d’autres, s’effritèrent pour former des grottes. Un terrain alors propice pour accueillir des populations et ce depuis la nuit des temps.
Ses habitants
Naguère s’installèrent des tribus gauloises, notamment les Aduatiques, descendants de 6000 guerriers, que les Cimbres et les Teutons (peuples germaniques), partant pour l’Italie, auraient laissés derrière eux, à la garde des bagages (préfet Roland).
D’anciens légionnaires romains demeurèrent en ce pays conquis après les invasions de Jules César. Pour parer à toute éventuelle attaque ils construisirent une place fortifiée à Frène. Cet oppidum, d’une certaine importance, était encerclé par des murs de défense. Sa position stratégique, son climat sain et fertile, les collines, les terrains labourables et la Meuse navigable offrirent au site des avantages que ne purent ignorer nos ancêtres.
Il y a quelques années, on découvrit à cet endroit, des tuiles à rebord des débris de céramiques et de poteries, des pièces et médailles romaines du 1er au 3ème siècle de notre ère:
Détails des pièces et médailles romaines retrouvées à Frène. | |
VESPASIANUS | (empereur romain de 69 à 79) |
De cette époque nous savons qu’un chemin partant au pied de l’actuel tunnel du chemin de fer, reliait Frêne au plateau de Lustin. Dans l’autre direction, après la Meuse, il s’enfonçait dans la Marlagne. Le franchissement du fleuve pouvait se faire par un passage d’eau devant Frêne ou par un gué situé juste en aval de l’île Champenoy. (Delmotte).
Cette période romaine s’étale du 1er au 4ème siècle de notre ère.
Ensuite vinrent les Francs qui chassèrent les romains et continuèrent à habiter cette forteresse. Elle se maintiendra ainsi jusqu’au 10ème siècle.
Après la romanisation, les traces laissées par nos ancêtres deviennent rares.
Dans les rochers de Fresnes se trouve une caverne assez spacieuse connue sous le nom de “Grande Eglise”, caverne qui doit vraisemblablement son nom à sa forme pouvant rappeler un chœur d’église. Dans les “Miracula S. Foillani”, HILLIN, chanoine du chapitre de Fosses raconte qu’au Xème siècle lors d’une invasion des Hongrois, le corps de St Feuillen fut transporté en hâte et mis à l’abri dans le site escarpé de Frênes. Il y aurait séjourné pendant près d’un siècle (E. Del Marmol – Frênes – près de Profondeville – Annales de la Société archéologique de Namur – T. Il – 1851 – P. 333-340).
On apprend aussi que des plaids généraux se tenaient à Frêne. Ces plaids sont l’assemblée de tous les chefs de familles. On y relisait les chartres et les édits pour remettre en mémoire les obligations et libertés. On désignait les mandataires locaux, par exemple le “bourgmestre”, et son adjoint le sergent, chargés des biens communs. On voit ainsi apparaître une bourgeoisie profitant de franchises aussi étendues que celles des villes.
Le chemin de fer
C’est donc le 5 février 1863 que la ligne de chemin de fer fut mise en service entre Namur et Givet. Une ligne qui connut un arrêt à Frêne à la sortie du tunnel. Mais cet arrêt était le point de départ de véritables chemins de croix pour les passagers car il fallait alors entamer via un sentier la difficile remontée vers le sommet de la falaise pour rejoindre le centre du village ou pour les plus chanceux descendre vers le halage.
La route
La route principale utilisée pendant de nombreux siècles était celle qui descendait par la gorge entre le flanc Nord des Rochers et la colline Covis. Il fallut attendre 1911 pour pouvoir emprunter la route de Namur à Dinant qui passe entre les Rochers. De nombreuses cartes postales témoignent de ces travaux très importants pour l’époque et qui allèrent simplifier la vie de nombreux habitants.
Voici d’ailleurs ce que raconte Mlle Barzin sur son excursion au début du siècle un peu avant les travaux:
“La pente du terrain s’accentue très sensiblement: bientôt nous serons dans la vallée. Il faudra renoncer aux grands horizons… (…) Le chemin fait un grand coude dans une prairie brodée de Prunelliers et subitement s’insinue entre des rochers que l’on exploite parfois pour les travaux de route.
Nous sommes dans un gorge profonde: de hautes falaises nous enserrent de toutes parts, et nous plongent dans l’ombre. Mais voici qu’à un tournant du sentier, un bout de Meuse s’encadre entre les sombres parois de l’entaille et la rive d’en face y ajoute un charmant paysage. Quelle apparition fraîche et gracieuse!
Nous achevons de dévaler le sentier boueux, en pataugeant jusqu’à la cheville dans la terre dégelée, et nous débouchons sur la route qui suit la Meuse, près d’un groupe de maison…”
(Mlle Barzin, Excursions scientifiques sur les bords de la Meuse; Bruxelles 1911, p.176-177)
Le château de Frêne.
Construit au 19ème siècle, les nostalgiques l’appellent aussi le château Misonne du nom de son dernier propriétaire Pierre Misonne, fils d’un administrateur de charbonnage. Ce château est présent sur de nombreuses cartes postales du début du siècle.
Le château de Frène.
C’était une belle construction longeant la Meuse, offert aux regards des touristes “fluviaux” comme la plupart des luxueuses demeures du bord du fleuve. On pouvait apercevoir de vastes terrasses et trois serres (pour les légumes, pour les fruits et pour les fleurs). L’ensemble formait un courtil tout en longueur, arrosé par la Meuse au Midi, adossé à la falaise, côté Nord. (…) Les rochers protègent heureusement les cultures du vent du Nord (…).
Malheureusement le château fut détruit en 1973 suite à l’expropriation du domaine au profit de la CIBE. Les dernière volontés du châtelain étaient de ne pas construire à coté de sa demeure pour qu’il puisse voir de l’autre coté de la rive la maison de ses sœurs. Le seul bâtiment qui jouxtait le château était la ferme du domaine également rasée.
Ne subsiste à l’heure actuelle que la chapelle au bord de la route des Rochers.
(Sources R.Delooz et E.Delmotte, cfr. Bibliographie)
Le Belvédère
Difficile de parler du hameau de frène sans parler de son célèbre Belvédère haut de 168m. Immortalisé par Arthur Masson lui-même, ce bâtiment vit le jour en 1931 sous l’impulsion d’un bienfaiteur connu sous le nom de Monsieur de Pierpont qui devint acquéreur des Rochers en 1899.
Le belvédère au début des années 1930.
Le belvèdère connut plusieurs exploitants: Mr et Mme Mathieu, Mr Patrick Dubé…
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Les rochers de Frène et son belvédère. (Ph.S.Rousseaux)
Voici le lien vers le restaurant actuel: www.lebelvedere.be