Situation: colline de Tailfer.

Li Vi Tchestia.  C’est sur le massif rocheux de Tailfer que s’érigea sous les ordres de Waleran de Luxembourg, seigneur de Poilvache, époux de Ermesinde (cfr. http://www.historianamur.com), fille de Henri l’Aveugle, le castrum de Tailfer. Ce poste d’observation daterait de 1215 et permettait de surveiller les mouvements de l’armée du Comte de Namur ou le spassages de la Haute Meuse Namuroise.. Réputé inexpugnable grâce à la position de son assiette et à ses murs épais de plus de deux mètres, il succomba cependant sous la masse des assaillants et fut détruit de fond en comble.

 

Les anciennes fondations du vieux château  ©

Voici comment Alfred Bequet décrivait le site en 1855:

“Ce rocher est une espèce de promontoire se détachant des hautes montagnes qui s’élèvent derrière lui, il s’avance dans la Meuse, comme pour venir jeter un regard hardi sur tout son parcours. Examinons le terrain: à l’endroit que nous appellerions volontiers l’isthme, où notre rocher se soude à la montagne, vers le midi, il nous sera facile de reconnaître, malgré l’épais fouillis du bois, un parapet haut d’un à 1,50m et large d’environ 2 mètres par suite de la chute des pierres. Celles-ci n’ont pas d’appareil, et sont de grandeur moyenne. En soulevant certaines de ces pierres, on reconnaît encore de nombreuses traces de ciment, qui nous a paru de même composition que celui de la plupart des forteresses des bords de la Meuse. Ce parapet était donc jadis une muraille qui fut renversée de fond en comble.”

Il est fait pour la première fois mention de ce castrum à l’époque des guerres qui ravagèrent notre pays au commencement du XIIIème siècle. Il existe un document précieux qui permet d’assigner une date certaine à sa fondation. Une chronique insérée dans l’ “AMPLISSIMA COLLECTIO” nous apprend en effet que lors de son attaque contre le Comte de Namur en 1215, Walram fit construire un nouveau château auquel il donna le nom de “INCIDENS FERRUM”. Cet Incidens ferrum est évidemment notre Taillefer et l’épithète de novum nous indique bien qu’il s’agit ici d’une construction nouvelle élevée pour les besoins de la guerre.

Les mots “incidens ferrum” (incidere = couper, tailler le fer) prouvent que déjà au XIIIème siècle, on travaillait le fer en cet endroit. Un fourneau récemment converti (en 1851) en moulin à farine, existe à l’entrée de la vallée. Du versant de la montagne, on tire encore de la mine de fer et les ouvriers occupés à ces travaux nous ont dit y avoir rencontré d’anciennes bures dont quelques-unes sont peut-être contemporaines de Yolende et de Walran”.

Par le Traité de Dinant de 1199, toute la partie du pays de Namur situé sur la rive droite de la Meuse jusqu’à. la foret d’Arche au Nord avait été cédée à Thibaut, Comte de Luxembourg, par Philippe le Noble. Walran II qui succéda à Thibaut et qui épousa sa veuve Ermesinde de Namur, ne se contenta pas de la part déjà beaucoup trop belle que le Traité de Dinant avait faite à son prédécesseur; il éleva, du chef de sa femme, des prétentions sur le restant du comté de Namur, déclara la guerre à Pierre de Courtenay et à Yolande sa femme et vint mettre le siège devant Bouvignes. On sait que le Comte de Luxembourg ne réussit point dans cette entreprise. Après avoir assiégé vainement cette ville, il échoua aussi devant Namur et perdit même dans sa retraite une partie de son armée.

Le rocher de Tailfer formait donc à peu près, du côté de Namur, la limite des possessions des comtes de Luxembourg. Or, comme dès le début de la guerre Waleran voulait assiéger Bouvignes et s’en rendre maître, il lui était nécessaire d’assurer ses arrières. Poilvache et Fresnes gardaient déjà les frontières du Luxembourg vers la Meuse; Tailfer devait compléter la défense . Ce rocher était éminemment propre à l’érection d’une forteresse ou tout au moins d’un poste fortifié. C’est évidemment sa grande largeur (plus d’un mètre) qui permettait à cette construction hétéroclite de ne pas s’écrouler d’elle-même. Les pierres de blocs bruts de psammite Famennien, vraisemblablement éboulés de la colline surplombant l’éperon rocheux. Les cailloux sont reliés avec un ciment jaunâtre à la chaux; les constituants nécessaires à la confection du mortier étaient certainement apportés sur place par les maçons. A l’aide de quelques fortifications, il pouvait défier l’étendard namurois qu’il voyait flotter au loin sur le donjon des Comtes de Namur. De ce poste avancé, il pouvait voir ses ennemis sortir de leur forteresse; il commandait le cours de la Vallée de la Meuse et il pouvait arrêter toute armée que le Comte de Namur aurait voulu envoyer eu secours des Bouvignois. La forêt d’Arche, selon la carte de Ferrarris, s’étendait au midi, c’est-à-dire du côté de Dinant, jusqu’au ruisseau de Tailfer. Les registres aux fiefs du souverain bailliage ne font aucune mention de Tailfer. Les anciens comptes du domaine du XVIème siècle citent le bois de Covisse, au-dessus de Tailfer et la forêt qui entoure le château porte encore ce rom. La falise de Tailfer est mentionnée au XVème siècle.

Le passage de l’Amplissima Collectio inséré plus haut est donc le seul renseignement que nous ayons sur le castrum élevé par Walran. Il est probable que le château fut abandonné de bonne heure ainsi que celui de Fresnes, son voisin. Au XIVème siècle l’achat que fit Guillaume 1er de cette partie du Comté au Duc de Luxembourg rendit les murs de Tailfer inutiles et ils ne sortirent plus jamais sans doute de l’abandon où leurs maîtres les avaient laissés.

Ne subsistent maintenant que d’énormes moëllons, encastrés et assemblés les uns aux autres, ainsi que d’anciennes traces de tours d’angle (…) dont les barbacanes permettaient aux assiégés de battre de leurs traits, tous les fossés et alentours.

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