Les Lustinois ont toujours été attachés à leurs cloches.
Voici un extrait du livre de Camille Badot qui en témoigne:
Avant la Révolution française, l’église de Lustin possédait, dans son clocher, trois cloches dont la plus grosse avait été fondue en 1725 dans les ateliers de Monsieur Feraille. Sur cette dernière on pouvait lire, entre deux frises de fleurs, les inscriptions suivantes:
« Je loue Dieu et je prie pour les morts, j’appelle les vivants et je dissipe les tempêtes. Demoiselle Marie-Thérèse d’Harscamp, marraine; Monsieur Charles-Antoine, comte d’Harscamp, parrain. Feraille m’a fait en 1725. Elle donne le la bémol ».
Ces cloches ont connu pas mal de tribulations. Pendant les évènements qui suivirent la révolution française de 1789 et l’invasion de notre pays, la grosse cloche fut descendue et enterrée dans le jardin de la cure afin d’échapper à la réquisition.
Les deux autres petites cloches furent emportées par les révolutionnaires et furent fondues à Namur pour servir de canon. Ce n’est que vers 1830 qu’on les remplaça par deux autres dédiées une à la Vierge, l’autre à Saint-Lupicin. Fondues par les frères Lainville, M. Joseph-Emmanuel Dubois et Mme Lucie Adam en furent respectivement le parrain et la marraine. Le 19/08/1943 les occupants allemands exigèrent de fondre deux des cloches de l’église. Malgré une résistance très vive du curé Neuvens et des habitants, il fallut se soumettre à l’ordre de réquisition et deux petites cloches furent emportées. Toutefois, il faut signaler que de courageux paroissiens ont fait sonner les cloches à toute volée pendant une demi heure immédiatement avant leur enlèvement. C’est ainsi que lors du départ du camion, la population accourue témoignait son attachement à ses cloches et sa réprobation à l’égard de l’ennemi et de ses séides en lançant des fleurs sur les deux cloches. Toutes deux ne disparurent cependant pas et la petite cloche, dédiée à la Vierge, fut retrouvée à Haillot et réinstallée le 28 mars 1946. L’autre cloche, consacrée à Saint Lupicin, n’ayant pas été retrouvée, fut remplacée par une autre. Celle-ci fut baptisée le 10 décembre 1953 en présence de Isidore Jadin qui en plus d’être le parrain fut également récompensé de la Médaille Civique de 1ère classe.
Pour l’anecdote, on découvrit bien plus tard une lettre du curé de Dave adressée à l’abbé Neuvens de Lustin et lui expliquant que la cloche de Saint Lupicin ne disparut jamais et fut installée dans l’église de Dave.
Les anciennes cloches de l’église.
Procès verbal de l’enlèvement des cloches de l’église de Lustin en 1943 rédigé par l’abbé Neuvens.
L’an mil neuf cent quarante trois, le dix-neuf du mois d’août, vers 10 heures, des ouvriers de la firme VAN CAMPENHOUT de Raeren, se sont présentés au presbytère de Lustin, mandatés par l’autorité occupante; de proçèder à l’enlèvement des cloches de l’église de Lustin.
N’ayant reçu aucune réquisition régulière de l’armée allemande, j’ai catégoriquement refusé l’ouverture des portes de l’église et les ouvriers se sont retirés.
Vers 10h15, le même personnel précédé d’un motocycliste civil, vraisemblablement de nationalité Belge et délégué de la firme susdite, accompagné d’un gendarme allemand s’est présenté au presbytère.
Le gendarme allemand m’a sommé d’ouvrir les portes de l’église déclarant que l’ordre de réquisition avait été envoyé par l’autorité, et que l’enlèvement des cloches devait se faire.
Ce n’est que sous la menace de représailles, que j’obtempérais à l’ordre reçu du gendarme allemand.
Les ouvriers se mirent immédiatement au travail et procédèrent à l’enlèvement de deux cloches, l’une dédiée à la Sainte Vierge et pesant 250 kg, la seconde dédiée à St-Lupicin d’un poids de 355 kg, toutes deux datant de 1830.
Elles furent chargées sur un camion de fort tonnage portant la plaque gouvernementale: 298843, conduit par le chauffeur Masset, domicilié à Jambes. Ce camion a quitté la place de l’église vers 15 heures se dirigeant vers la commune de Maillen.
Entre-temps, vers 14hOO, j’avais été prévenu téléphoniquement par M. Gilbert de Cauwer, Bourgmestre ff de Lustin, que l’ordre de réquisition venait de lui être remis par le facteur en tournée.
Furent témoins de l’enlèvement des cloches. les personnalités suivantes :
- l’Abbé Neuvens, curé
Emile Hermal, échevin
Isidore Jadin, président de la fabrique d’église
Antoine Lefèvre: trésorier
Auguste Massaux : entrepreneur
Fernand Cuvelier : secrétaire cornmunal
Evan Marion: sacristain
Mme Lefèvre: institutrice en chef.
Mme Collot: rentière
Mme Gillain :rentière
Melle Neuvens : sans profession
De tout quoi, j’ai dressé de bonne foi, le présent procès-verbal, qu’ont signé les personnalités susmentionnées, pour servir à qui et à quoi il appartient.
Fait à Lustin, en triple exemplaires, le dix neuf août Mil neuf cent quarante trois, Suivent les signatures.
L’enlèvement des cloches en 1943.
Dépard des cloches.
Sources: Camille Badot-Vital Taviet-Léa Minet.