La légende des nutons est fortement ancrée en terre wallonne propice aux légendes à travers les forêts sombres du Condroz, de la Famenne et des Ardennes, de ses grottes ressemblant à de véritables cathédrales. Dans toutes les failles que les rochers mosans montrent dans leurs flancs, l’imagination populaire s’est plu à y faire vivre cette race légendaire des petits Nutons.
Industrieux, chasseurs, voire même artistes, le souvenir de ceux-là s’est-il transmis jusqu’à nos pères, déformé à la mode de notre temps, comme tout souvenir transmis oralement? Lustin, perle de la Vallée de la Meuse, protégé par ses rochers ne pouvait ne pas loger des Nutons dans les grottes de la région. Voici leur description…

 

Les petits Nutons séjournaient dans des trous, des grottes souvent inaccessibles.
Ils en avaient fait leur domicile fixe qu’ils n’abandonnaient qu’à la tombée de la nuit, pour organiser des rondes folles dans les prés.
On nous les représentait comme de petits vieux « papas » dont la longue barbe blanche descendait jusqu’au sol.
Vêtus à la mode de nos pères, ils étaient coiffés d’un bonnet à pointe, chaussés de gros sabots et revêtus d’habits de différentes couleurs.
D’esprit très actif, laborieux et serviables, ils se faisaient un plaisir à secourir l’homme moyennant quelques cadeaux.
Les uns étaient taillandiers, les autres forgerons, certains couteliers, d’autres menuisiers, tandis que leurs petites épouses excellaient dans l’art de repasser le linge et de le rapiécer.
Hélas un grand défaut ternissait leur réputation. C’étaient de vilains convoiteurs de femmes et de filles. Lorsque l’occasion se présentait , ils les enlevaient, sans brutalité cependant et se réfugiaient avec elles dans les grottes.
Par temps calme le soir, lorsque le vent s’était apaisé et que toute la nature s’était endormie, il était possible à celui dont l’ouïe était fine, d’entendre le bruit de leurs forges.
La méchanceté de l’homme les a chassé de chez nous.
Comme il était de règle que pour obtenir un service de leur part, il fallait placer au seuil de sa demeure, en même temps que l’ouvrage à faire, un cadeau qui consistait en lait et en farine, certains s’avisèrent de mélanger au pain, des cendres et de la poussière.
Fâchés, les Nutons partirent et bien des vieux regrettent la compagnie de ces petits hommes des roches.

Leur souvenir est bien vivace en notre Wallonie.

 

Crédit: Henri Mélis

Quand on s’promwinne au bwârd di Moûse
Su l’vôye di Nameur a Dinant,
On rescontère tot l’long di s’coûse,
Pa d’zeû les bwès, les prés, les tchamps,
Des bèlès rotches, fwâd waut dressîyes,
Come po r’vindjî l’payis walon;
Et au mitant, on vwèt quéquefîye
Des grands nwârs traus : des traus d’Nûtons.
Dins ces traus-la, m’dijait mgrand-mère,
Vikinn’t, i gn-a brânmint des-ans,
Des djins come on n’è vwèt pus wêre:
Des p°tits-omes baurbus èt spitants.
Is n’estinn’t nin pus grands qu’one mitche,
Mais r’choninn’t a des vîs papas;
Di s’mostrer is-estinn’t fwârt tchiches:
Is-avinn’t fwârt peû do solia.
Sovint, dèl nait, ou bin al brune,
On les vèyait, sur l’vèt gazon,
Au bwârt des ris, les djous d’plinne lune,
Djouwer èt fé des rigodons.
On-étindeuve, vinant dèl tére,
Fou des traus, des grands côps d’maurtia:
Les Nûtons avinn’t Il manière
Do r’sîmer tos les vîs coutias.
Leûs comères fyinn’t co bin l’bouwéye
Po z-ayessi les payisans;
Mais chaque côp qu’on fieûve Ii fornéye,
Falait l’zeu d’ner on bia pwin blanc…
Asteûre les Nûtons sont-st-èvôye
Is-ont r’noyî l’payis walon,
Mais dins les rotches on pout co vôy
Au bwârd di Moûse, les traus d’Nûtons.

F.Pieltain

Extrait de L. et P. Marechal

« Anthologie des Poètes Wallons Namurois »Editions des « Rèlis Namurwes », Namur 1930 p.227-228

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