Voici un récit de Daniel Wiame ancien habitant de Lustin dans les années 1950 qui nous raconte un souvenir de jeunesse.

Bien que né à Waterloo, chaussée de Bruxelles, au premier étage d’une petite maison, le 10/09/44 dans les premières heures, l’accoucheuse avait alors indiqué 23h50, le 09/10/44, afin de pouvoir recevoir des tickets de ravitaillement complémentaires (un jour en plus).

Du fait de circonstances particulières dues à la fin troublée de la guerre, je suis resté habiter assez longtemps avec mes grands-parents maternels, Paul De Keyser et Blanche DeWallens qui possédaient une petite maison de village au n° 3 de la rue François Libert (elle existe toujours).

En 1949, mes parents vinrent me chercher afin que j’habite avec eux. Ils occupaient depuis peu une partie de maison, dans le petit village de Lustin (entre Namur et Dinant) où mon père (Georges) travaillait avec son frère (François) qui exploitait une entreprise indépendante de construction.

Dépaysement total complet et très traumatisant !

Commune très rurale à l’époque, nous demeurions rue des Acremonts. Mon père (Georges) construira + tard, et quasi tout seul (après la mort accidentelle de son frère) cette belle maison sise au 41 rue des Fonds. Villa blottie à flanc de vallée, toujours en place mais maintenant numérotée 53 (voir photo).

Il fallut bien s’adapter, petit-à-petit grandir, se mêler aux autres enfants du même âge, fréquenter l’école communale du village avec un maître, Siméon Rousseau, d’une extrême sévérité, mais juste et aimant (sur sa tombe, il y a une plaque de marbre blanc avec l’inscription : << A notre regretté Mr. Siméon Rousseau instituteur de la part de ses élèves de 1940 à 1971 ! >

Un petit peu plus haut dans cette vallée mais à notre vue, il y avait une ferme (voir photo) où demeurait une bien grande famille flamande originaire de Wijtschate qui, allant de lieux en lieux, avait dans le proche passé, exploité en location agricole, une parcelle de tabac à Bohan-sur-Semois.

La famille D’Hoine avait été forte de 18 enfants (quinze en vie) du même père et de la même mère.

JENNY était l’avant dernière, née en mars1944.

Dans cette famille ‘’ très campagne ‘’ nous, tous les enfants du proche voisinage, étions fort bien accueillis, et nous nous mettions assez régulièrement ‘’ à table ‘’. Elle devait faire une petite huitaine de mètres, et mise en L, occupait une bien grande place dans la (cuisine/repas). Nous y prenions avec la famille réunie, des repas ‘’ à la flamande ‘’. Au souper, quatre ou cinq pains (parfois moins et parfois plus) de deux kilos cuits maison, des masses de beurre bien frais et des marmites de soupe. Pour dessert, une crème de lait battu au goût aigrelet mais heureusement limité grâce au bon sucre cassonade et à l’ajout de bonnes et bien faites confitures maison !

Hors temps d’écoles (primaires) en échange de ces repas et de l’ambiance très grande famille chaleureuse, nous réalisions de temps en temps quelques petits travaux. Comme retourner régulièrement, et rentrer les foins, tourner la baratte et en extraire le bon beurre à placer dans les fameux moules à la grappe de raisins, cueillir les fraises, les groseilles, les cerises, dénoyauter les fruits, tourner dans les marmites pendant les cuissons, garnir de demis abricots ou de prunes (de Namur) les tartes avant de les mettre au grand four à bois… et tous autres petits travaux pour ce que l’on décrit souvent comme étant des ‘’ petites mains ‘’.

 JENNY ! 

Dans toute cette ambiance et cette agitation permanente au fil des saisons et des activités de la ferme, il m’était arrivé de me trouver si bien en sa compagnie et, à cet âge (nous avions alors dix ans, et à cette époque encore de la plus parfaite innocence) personne n’avait trouvé à y redire.

Remarques : Tous les enfants D’Hoine n’étaient pas toujours présents. A tour de rôle, les plus âgés étaient souvent ‘’prêtés ‘’ à d’autres fermes comme ouvriers agricoles (très mal rémunérés du reste). Tous les lieux décrits et nommés ici sont encore en place, et peuvent être vus et souvent encore visités.

Jenny-Andrée De keyser-01

Foire de Namur, +- été 1957. A gauche de la photo, Andrée De Keyser et à droite, Jenny.

 

.. au fond du vallon si verdoyant coule, vif et tortueux, un ruisseau d’eau claire qui prend sa source dans les collines plus à l’est, là où se lève le soleil !

Il caracole, chute en bruissant, prend des largeurs au gré du limon plus tendre de ses berges qui lui font bonne place ! Il est le ménestrel de la vallée !

Il donne la vie à ces grands pâturages souvent tout jaune de la fleur du pissenlit où, paisibles, de nombreux bovidés se gavent de cette herbe haute, grasse et tendre ! ….

Parfois, cachées dans l’humide, sous de grosses pierres plates, de belles salamandres aux lignes de ce beau jaune lumineux, dérangées de l’obscur font quelques mouvements …

. sa main, douce et chaleureuse venait prendre la mienne et ainsi, nous allions par les sentiers, les prairies, les petits bois de noisetiers, vers les anciennes carrières depuis longtemps endormies sous une végétation fort exubérante qui avait fini par recouvrir le tout de multiples façons ! Les ronciers produisaient des mures en grande abondance et, nous nous gavions aussi de ces fruits tout chauds de soleil ! Délices sucrés … laissant nos petits doigts et nos bouches tout bleuis ! ….

.. les remblais s’étaient habillés de végétations diverses ! Sur la pente nord, de larges fougères faisaient bonne figure sous la pression des genêts à la floraison d’un jaune puissant ! Sur les zones plus exposées au sud, plus sèches, quelques graminées avaient pris habitat. Des centaines de petites fraisiers sauvages avaient eux, fait colonies ! Tous portaient ces délicieuses minuscules ‘’fraises des bois’’ que nous enlevions délicatement pour les porter à nos bouches ! Elle souriait puis, partait en grands rires, son beau visage encadré de longs cheveux fins et soyeux ! Elle me regardait aussi, et dans la profondeur du regard au délicat gris ombré, il me semblait y percevoir comme un trouble, comme un éveil ! Mais, quel trouble était-ce ? … Elle et moi avions seulement douze ans ! ….

. d’autres fois, nous marchions à demi cachés dans les hautes herbes destinées à la fenaison de ces prairies couvertes de boutons d’or, entrelacés de grands trèfles et parfois de bouquets d’orties urticantes laissant la peau nue de nos jambes se couvrir de petites gourmes faisant fort mal ! Ces prairies étaient souvent bordées de groseilliers ! Groseilles petites en grappes bien rouges et, d’autres bien grosses et bien vertes qui éclataient sous nos dents libérant ainsi un jus acidulé et rafraichissant ! ….

.. dans les petits bois de noisetiers, le sol couvert d’humus faisait comme éponge  sous nos pas et aux jours de printemps, tout était floraison de ces anémones blanches des sous-bois, portées sur de frêles tiges couronnées de cette petite fleur si délicate et si bien faite ! Aussi, des pervenches et parfois, mais si bien dissimulées, de petites violettes sauvages à la délicate fragrance ! …

Mais un jour, il me faudra partir au loin la laissant ainsi ! ….

Moi aussi, j’avais mal au cœur et comme une déchirure ! ….

Bien des années + tard, je devais apprendre que dans un parc d’Heverlée, on avait retrouvé son corps sans vie !
Elle avait été violée et étranglée !

Récit de Daniel Wiame

 

La publication a un commentaire

  1. Jean-Pierre Delwiche

    Très beau récit

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